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Accueil > La recherche au CFEE > Axes de recherche > Axe 1. Environnement, échanges et techniques dans la longue durée

Préhistoire récente dans la Corne de l’Afrique

Ce programme s’intéresse aux mutations technologiques et socio-économiques que connurent les populations humaines de la Corne de l’Afrique depuis trente mille ans jusqu’au début de notre ère. Il repose sur une équipe de recherche qui travaille ensemble de longue date, et s’articule autour de quatre projets interconnectés, développés dans le cadre de partenariats entre le CFEE et des laboratoires français, en relation avec l’Authority for Research and Conservation of the Cultural Heritage (ARCCH, Ethiopie) pour les terrains éthiopiens.

Les modèles théoriques sont nombreux pour expliquer le processus de néolithisation durant la Préhistoire récente et le passage d’une économie de prédation à une économie de production à l’échelle planétaire. Ces modèles s’appuient tantôt sur le bagage social, mental et culturel nécessaire à l’émergence de nouvelles pratiques, tantôt sur l’accroissement démographique associé à un climat stable favorisant la fixation, sur la hiérarchisation et la spécialisation des sociétés, ou encore sur le déterminisme écologique et climatique encourageant des réponses adaptatives économiques et culturelles de la part des populations. Quant aux modalités de la diffusion de l’économie de production, les hypothèses sont antagonistes : de vastes mouvements de populations, ou l’acculturation de petits isolats culturels par contacts, échanges ou transferts d’idées. C’est à l’écriture de ce/ces scénarios pour la Corne de l’Afrique que participe le programme Préhistoire du CFEE. Sont sollicités pour ce faire les géosciences de l’environnement, l’archéologie, la paléodémographie.

L’approche ethnographique est également mobilisée ici, lorsqu’il s’agit de bâtir des modèles interprétatifs relatifs aux sites, aux vestiges, etc. En archéologie, on confère par exemple aux mobiliers une forte valeur culturelle. Ils sont à la fois un marqueur de différentiation individuelle car ils permettent d’entrevoir la figure emblématique de l’artisan qui les a conçus, mais ils sont aussi un marqueur de différentiation collective, car les manières de fabriquer un objet et de le décorer sont l’expression de l’identité culturelle d’une société. Ce postulat découle de travaux en ethnologie et psychomotricité. Tous ont démontré qu’au moment de modeler un matériau, d’acquérir de la matière première, d’opter pour une technique de façonnage spécifique, de choisir l’ornement qui sera apposé sur l’objet, l’artisan s’appuie sur des connaissances acquises durant son apprentissage au sein d’une communauté, dans laquelle le poids de la tradition, des rites et des interdits est essentiel. Les savoir-faire agissent donc comme « fixateur » du modèle culturel en cours dans une société.

L’étude des productions est donc envisagée selon différents niveaux analytiques interconnectés. Puisque des traditions techniques révèlent des identités, sont propres à un groupe, il est possible de dessiner des frontières sociales en travaillant sur la répartition dans l’espace des traits de la culture matérielle. En explorant la façon dont évoluent les modes et les manières de faire au cours du temps, ce sont les innovations dans les pratiques qui sont mises en relief. En pistant les objets, les techniques qui circulent, des réseaux d’échanges peuvent être établis. Enfin, le partage de techniques entre groupes sociaux distincts, dont les mécanismes de métissages culturels, font également partie des questionnements qui guident ces travaux.

Late Stone Age Sequence in Eastern Africa

Dirigée par François Bon et Asamerew Dessie, cette mission préhistorique franco-éthiopienne se déploie depuis 2007 dans la région des lacs éthiopiens (Ziway, Langano, Abijata). L’un des principaux atouts de ces sites pour l’étude des mutations technologiques au cours du Pléistocène récent et de l’Holocène réside dans la remarquable qualité de ses enregistrements archéologiques, ainsi que dans la possibilité de corréler avec une haute précision les dynamiques de peuplement que connut cette partie de la vallée du Rift avec les grandes mutations climatiques qui marquèrent son paysage dans la période considérée.

L’ensemble de ces facteurs est de nature à conduire à l’établissement d’une séquence de référence majeure à l’échelle de l’ensemble de la zone. L’approche poursuivie inclut un vaste programme de datation, des prospections visant à caractériser les sources de matières premières (obsidienne, projet conduit par Lamya Khalidi, UMR 5133 ArchéOrient, Lyon) ou encore l’étude de l’hydrologie des lacs. Elle a également servi de support initial à des enquêtes ethno-archéologiques sur les productions céramiques (projet conduit par Jessie Cauliez et Claire Manen, voir ci-dessous). Ce sont ainsi tant les processus de formation des sites que les mécanismes sociaux de production de la culture matérielle ou encore l’évolution des stratégies de subsistance qui gagnent de nouveaux éclairages.

Plusieurs travaux universitaires dont deux thèses de doctorat auront été réalisés dans le cadre de cette mission, soutenue par le ministère français des Affaires étrangères et du Développement international. Les résultats de ces recherches nourrissent le projet pluridisciplinaire Big Dry, qui a débuté en 2015 avec le soutien de l’Agence nationale de la recherche (ANR) à Paris.

La mission préhistorique franco-éthiopienne Late Stone Age Sequence in Eastern Africa bénéficie depuis son lancement en 2007 du soutien du CFEE et de l’appui financier de la Commission des fouilles du ministère français des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI).

Voir la page du projet sur le site de TRACES

« Big Dry ». Ruptures et continuité dans le peuplement de l’Afrique à la fin du Pléistocène : paléoanthropologie, paléoenvironnement et archéologies comparées du Rift et du Nil dans leur cadre continental

Coordonnée par François Bon, le projet a pour objectif de conduire l’analyse comparée des données archéologiques, anthropologiques et environnementales entre la vallée du Nil et celle du Rift lors des derniers millénaires du Pléistocène. Ce faisant, il a pour enjeu de tester l’hypothèse selon laquelle le dernier maximum glaciaire converti ici en « Big Dry » dicta des conditions environnementales déterminantes vis-à-vis des modes de vie des populations humaines, leurs stratégies d’adaptation, leurs déplacements, l’extension de leurs bassins de peuplement et plus largement leur démographie. Durée du projet : 2015-2018.

Ce projet réunit les équipes des laboratoires TRACES à Toulouse, PACEA (UMR 5199) à Bordeaux, et des UMR 7194 (HNHP - Histoire naturelle de l’homme préhistorique) et 7209 (Archéozoologie et archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements) au Muséum national d’histoire naturelle à Paris. Le CFEE en est le partenaire à Addis-Abeba.

Diffusion and transmission of ceramics techniques and styles in the Ethiopian Rift : Ethnoarchaeological studies of Oromo, Wolayta and Wata potters communities (Arsi Zone West Arsi Zone, Oromiya Region)

Ce projet est dirigé par Jessie Cauliez et Claire Manen, il est réalisé en collaboration avec le projet ANR DiffCeram dirigé par Valentine Roux, en partenariat avec le CFEE à Addis-Abeba.

Ce projet ethno-archéologique est centré sur les traditions potières développées en Éthiopie par trois populations, les Wolayta, les Oromo et les Waata en contexte de production domestique. Le programme cherche à offrir des modèles pour interpréter en Préhistoire les processus de diffusion archéologique et, dès lors, les dynamiques à l’œuvre dans l’évolution des traits culturels et des sociétés. Il s’agit de caractériser les mécanismes d’apprentissage et de transmission des traditions potières inter-individus et inter-groupes, les conditions d’emprunt ou de non-emprunt de traits techniques et stylistiques pour mieux saisir quelles sont les modalités de diffusion et de transferts des pratiques artisanales et les phénomènes sociologiques sous-jacents à ces transmissions. Durée du projet : 2011-2018.

Cette recherche s’appuie sur deux volets financés : un projet de la fondation Fyssen (dirigé par J. Cauliez et C. Manen), et une collaboration au projet ANR DiffCeram (dirigé par V. Roux) qui s’achève en 2016. Les trois prochaines années seront consacrées à la mise en place d’un référentiel en archéométrie autour des différents étapes de la chaîne opératoire via un partenariat engagé en 2015 avec l’Institut de recherche sur les Archéomatériaux – Centre de recherche en physique appliquée à l’archéologie (IRAMAT, Bordeaux, UMR 5060).

Premières sociétés de production dans la Corne de l’Afrique

Le projet « Premières Sociétés de Production dans la Corne de l’Afrique » est dirigé par Jessie Cauliez. Il s’intéresse à la constitution des premières sociétés paysannes dans la Corne de l’Afrique, depuis l’émergence d’une économie de production à la pénétration de l’islam dans la Corne, avec une focalisation des recherches de terrain sur une « zone atelier », le bassin du Gobaad à Djibouti, entre Dikhil et le Lac Abhé, dans le « triangle Afar », au débouché septentrional de la vallée du Rift vers la mer Rouge et l’océan Indien. Prospections, sondages, fouilles de sites d’habitat, de monuments funéraires et étude de l’art rupestre servent une analyse exhaustive du peuplement holocène. Le projet cherche à saisir les formes de l’évolution des premières sociétés de production, à mesurer la vitesse de diffusion de l’économie de production dans la Corne, à comprendre les paramètres intervenants au cours de ce processus et le poids de la composante environnementale. Durée du projet : 2013 – 2018 (a minima).

Le projet est financé par le MAEDI, le projet ANR Big Dry, l’Ambassade de France à Djibouti et le laboratoire Archéologie des Sociétés Méditerranéennes (UMR 5140, Montpellier). Il nourrit un autre projet, « VaporAfar », dirigé par Lamya Khalidi, qui porte sur les réseaux de diffusion et d’échanges de l’obsidienne au Néolithique, notamment en Éthiopie. Le CFEE est partenaire de ce projet.

Actualités

Suivez l’actualité de ce programme sur le blog du CFEE :
http://cfee.hypotheses.org/category/divers/actualites-de-nos-programmes-news-from-our-programs/late-stone-age-sequence

Bibliographie

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Bon F., Asamerew Dessie, Bruxelles L., Daussy A., Douze K., Fauvelle-Aymar F.-X., Khalidi L., Lesur J., Ménard C., Marder O., Mensan R. et Saint-Sever G., 2013 : Archéologie préhistorique de la partie centrale du Main Ethiopian Rift (bassin lacustre de Ziway-Shala) : contribution à l’établissement de la séquence Late Stone Age d’Afrique orientale (LSA Sequence in Ethiopia), Annales d’Ethiopie, 28, p. 261-297.

Bon F., Asamerew Dessie, Mensan R. et Fauvelle-Aymar F.-X., 2006 : Mission de prospection en archéologie préhistorique (LSA) dans la région des lacs d’Ethiopie (Koka, Ziway, Langano, Abijata). Annales d’Ethiopie, 22, p. 85-129.

Cauliez, J., Gutherz X. and J.-M. Pène. 2008. “Première caractérisation des faciès céramiques néolithiques de la région du Gobaad en République de Djibouti. Les sites d’Hara Idé 2 et d’Asa Koma (As-Eyla, District de Dikhil) », L’Anthropologie 112 (4-5) : 691-715.

Cauliez J., Manen C., Ard V., Caro J., Goujon A.-L., Cantin N., Ben Amara A., Savary X., Bocquet-Liénard A., à paraître, Technical traditions and potter craftsmanship among the Woloyta and Oromo Groups in Ethiopia. Actualist references for refining Prehistoric ceramic analytical protocols, Bulletin de la Société Préhistorique Française.

Gutherz, X. 2012. « L’archéologie à Djibouti », in A.-S. Chire eds., Djibouti Contemporain, Karthala (collection : hommes et sociétés).

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